- SAMARKAND
- SAMARKANDLa ville de Samarkand, comme en témoigne la découverte d’outils datant du paléolithique inférieur et d’œuvres d’art du moustérien, est l’un des berceaux de la civilisation des peuples de l’Asie centrale. Capitale de la Sogdiane, Samarkand a vu les cavaliers d’Alexandre le Grand, subi les assauts des conquérants arabes; elle fut ruinée par les hordes de Gengi ル-khan et connut un éclat particulier quand elle devint la capitale de Tim r Leng (Tamerlan). Les monuments édifiés par l’illustre boiteux et par ses descendants, les Timurides, font jusqu’à nos jours la gloire de la cité.Samarkand est située dans une vaste oasis sur la rive sud du Zarafsh n, à une altitude de 725 m, et jouit d’un climat continental. La médiocre masse de précipitations (345 mm par an) est compensée pour l’agriculture par les canaux d’irrigation.Le nom «Samarkand» comporte deux éléments dont le second, kand , signifie en iranien «ville». On a prétendu que Samar était le nom du héros éponyme; d’autres ont fait dériver le nom du sanskrit samarya qui veut dire «réunion, rencontre». La plus ancienne forme attestée, Marakanda, est donnée par Arrien dans le récit des conquêtes d’Alexandre. Dans les sources chinoises, Samarkand est transcrit par Sak-man-gin et par Sa-mo-kian.L’histoireLes habitations les plus anciennes ont été retrouvées dans la partie septentrionale d’Afr syab, agglomération qui précéda Samarkand. En 329 avant J.-C., les troupes d’Alexandre occupent Afr syab-Marakanda et, l’année suivante, par représailles après une révolte, ruinent la cité qui s’étendait sur deux kilomètres carrés. Du Ier siècle avant J.-C. au IIIe siècle de l’ère chrétienne, la ville connaît une certaine activité. Au VIe siècle, elle est absorbée dans le domaine d’un khaganat turc. Au début du VIIe siècle, le gouverneur de Samarkand devient souverain de la plaine du Zarafsh n; dès lors, cette ville entre dans l’histoire de façon permanente. Centre de commerce actif et important marché d’esclaves, la cité, visitée par les marchands chinois, retrouve les dimensions qu’elle avait au temps d’Alexandre.Au début du VIIIe siècle, Samarkand est intégrée au califat omeyyade. En 712, les troupes de Qutayba ibn Muslim occupent la ville; l’année suivante une révolte est sévèrement réprimée, la population déportée et des Arabes installés comme colons. Dans la deuxième moitié du VIIIe siècle, un important soulèvement populaire mené par al-Mukanna’ est réprimé. Lors du démembrement du califat abbasside au IXe siècle, le pouvoir passe en Transoxiane à la dynastie locale des T hirides puis aux Saffarides qu’Ism ‘il ibn A ムmad renverse en 900 pour fonder le royaume s m nide.Les S size=5m size=5nides et les Tim size=5ridesAvec les S m nides commence une véritable renaissance à la fois économique et artistique de la ville qui sort des limites d’Afr syab et se développe en direction du sud; elle aura désormais une structure tripartite: la citadelle (kuhandiz , kal’a ), la ville proprement dite (shahrist n , mad 稜na ) et les faubourgs (rabad ). La ville est entourée d’un fossé et d’une levée de terre. Les faubourgs sont protégés par une enceinte extérieure.De la fin du Xe siècle au début du XIIIe, Samarkand connaît plusieurs maîtres dont les Turcs seldjukides (1089-1130). En mai 1220, la ville se rend aux hordes mongoles de Gengis-khan, elle est pillée et dépeuplée. Alors commence une éclipse d’un siècle et demi. Marco Polo la visite au milieu du XIIIe siècle et la mentionne comme une «très grande ville». Un siècle plus tard, le voyageur arabe Ibn Batt t n’y trouve que des ruines et quelques maisons habitées.Sous le règne de Tim r (1369-1405), devenue la capitale d’un immense empire, Samarkand accueille en 1401 les artisans déportés de Damas par Tim r. Elle connaît un remarquable développement architectural. L’enceinte, tombée en ruine à l’époque mongole, est relevée en 1371-1372. Une citadelle est fondée dans la partie occidentale de la ville, on construit de vastes édifices au décor exubérant qui font l’admiration des Occidentaux (description de la ville par Ruy González de Clavijo, venu à Samarkand en 1404). En janvier 1405, Tim r meurt. La région dont Samarkand est le centre échoit à Ul gh beg, l’aîné de ses petits-fils, qui y régna quarante ans (1409-1449). Durant la première moitié du XVe siècle, grâce à lui, Samarkand connaît un grand rayonnement intellectuel. En 1428, il y fut construit un observatoire (mar ルad ) spécialisé dans l’enseignement de l’astronomie et dont le monumental sextant existe encore.En novembre 1497 Samarkand devient l’enjeu de la lutte que se livrent Z hir ad-D 稜n B bur, prince mughal lettré, contemporain du poète Mir Al 稜 Sh 稜r Naw ’ 稜, et Shayb n 稜 Kh n, chef des Ouzbeks. B bur évacuera la ville à deux reprises; il la reprit une troisième fois en 1511 mais en fut chassé en novembre 1512. Au XVIe siècle, Samarkand, alors renommée pour son école de médecine et pour la fabrication des armes blanches, reste au pouvoir des Shayb nides dont la capitale est Boukhara. Au XVIIe siècle, la ville est intégrée à une principauté ouzbek dont le gouverneur est, un temps, indépendant. Grâce à l’ascension de certaines familles ouzbek, Samarkand redevient alors un centre important de commerce, mais par suite de luttes intestines entre féodaux et des attaques des nomades au début du XVIIIe siècle, la ville est désertée par ses habitants qui allèrent s’établir à Khokand dans le Ferghama. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, des mesures sont prises par Yalangtush beg, h kim de Samarkand, pour redonner vie à la cité, on relève l’enceinte, des quartiers neufs sont construits.Mais, au milieu du XIXe siècle, Samarkand ne compte que 30 000 habitants.L’occupation russe au XIXe siècleLe 13 mai 1868, l’armée russe du général Constantin von Kaufmann occupe Samarkand sans combat. Le vilayet, unité administrative, est annexé par la Russie: une ère nouvelle commence. Dès 1871, un plan d’urbanisme, qui fait une grande place aux espaces verts, est appliqué et à l’ouest de la ville ancienne surgit un quartier russe de type européen.Une voie ferrée est construite jusqu’à Krasnovodsk sur la mer Caspienne entre 1888 et 1896. Peu après l’intégration dans l’empire russe, on entreprend des études sur les ressources naturelles de l’Asie centrale et plus particulièrement sur le coton. En 1905-1907, la ville, où les déportés politiques sont nombreux, connaît les remous de la révolution. Entre 1897 et 1908 Samarkand voit sa population augmenter de 64 p. 100; elle compta 165 000 habitants dont 13 700 sont des Russes; il y eut également un mouvement de population venant de Boukhara. En 1913, sous l’occupation russe, le mouvement «Us l-jed 稜d» ouvre deux écoles musulmanes. Le 2 décembre 1917, l’Armée rouge occupe Samarkand et le général Frunze y installe son état-major en août 1920. En 1924, une vive opposition contre l’Islam commence à se manifester, elle est marquée par une réaction contre le port du tchador et sera menée par le parti communiste de 1928 à 1939. De 1924 à 1930, Samarkand est la capitale de l’Ouzbékistan, puis, de 1930 à 1937, elle devient centre de district.Samarkand est aujourd’hui une ville industrielle prospère de la République d’Ouzbékistan, comptant 372 000 habitants reliée par voie ferrée à Tachkent et à Krasnovodsk sur la mer Caspienne. Elle est aussi traversée par la route Tachkent-Tirmid et dotée d’un aérodrome important. Depuis 1957, elle connaît un remarquable développement économique et compte de nombreuses usines de métallurgie, de produits chimiques et alimentaires, de filature de coton et de soie. C’est aussi un centre intellectuel vivant: la ville possède un opéra et un grand théâtre, un musée, une université et divers instituts de recherche.Les monumentsSh size=4h i-ZindaÀ la limite méridionale des ruines d’Afr syab, au milieu d’un vaste cimetière, se trouve un des plus beaux ensembles architecturaux de Samarkand, connu sous le nom de Sh h i-Zinda. Ce mausolée, qui est l’élément le plus ancien (XIe-XIIe s.), s’écroula comme bien des constructions de la nécropole après le passage des Mongols au XIIIe siècle, mais il fut remanié en 1335 et continue d’être un lieu de pèlerinage fréquenté.La «renaissance» de la nécropole commence au début du XIVe siècle avec la construction de deux mausolées: celui du Hodja Ahmad et celui de Kutlugh Aga, une des femmes de Tim r (1360). Ces édifices avec leur revêtement de céramique bleue sont les prototypes du mausolée constitué d’un cube coiffé d’une coupole sur tambour cylindrique et précédé d’un portail monumental.Quatre mausolées remarquables datent de la fin du XIVe siècle. Celui de Sh dh 稜 Mulk Aga, le premier édifice construit sous Tim r à Samarkand par sa sœur aînée Turkan Aga, est un cube en pierre et brique avec, à l’intérieur, de grandes niches à arc sur chaque face, fenêtres et voûte; il est fort bien conservé; sur le dallage du sol s’élève un cénotaphe; le bleu, couleur du deuil chez les musulmans, domine dans le décor. En face de cette construction a été bâti le tombeau d’une autre sœur de Tim r, Sh 稜r 稜n Beg 稜 Aga (1385); tandis que l’intérieur, enduit à la chaux, est d’une grande simplicité, la façade, le tambour à seize côtés et la coupole sont recouverts de mosaïque de faïence. Plus loin se dressent le mausolée de Tughlugk Tek 稜n, mère de l’émir Husayn (1375), avec sa coupole effondrée, celui d’Am 稜r Z dé (1386), bâti sur les restes d’un édifice antérieur, et celui de N r 稜 (1405).À l’époque d’Ulug beg (1409-1449), se rattachent un mausolée octogonal anonyme, le mausolée à coupole (1436) バ ボ 稜-zadé-i R m 稜 attribué à l’astronome, ainsi que le mausolée et le couvent (kh naq h ) de T m n Aga, une des femmes de Tim r. Le dernier élément de la nécropole est le monumental portail d’entrée (1434). À la fin du XVe siècle, l’ensemble de Sh h i-Zinda est achevé.Mosquée de B size=4稜b size=4稜 Kh size=4numAu centre de la ville médiévale s’élèvent les ruines imposantes d’une Grande Mosquée construite sous Tim r. Cet édifice est la plus vaste Grande Mosquée d’Asie centrale. L’ensemble, orienté est-ouest, d’une surface de 140 m sur 100 m, était entouré d’une muraille renforcée aux angles par quatre minarets dont un seul subsiste de nos jours. Le portail d’entrée, situé à l’est, s’ouvre sous un arc grandiose qui s’appuie sur deux contreforts massifs. Il donne accès à une cour rectangulaire dallée de marbre sur laquelle s’ouvraient des galeries couvertes de multiples coupoles, soutenues par quatre cents colonnes de marbre. Au milieu de la cour, on admire le monumental pupitre à Coran (kurs 稜 ) en marbre qu’Ul gh beg avait fait installer dans la salle de prière. Sur chaque face latérale est accolé un petit oratoire ayant l’ordonnance classique des mausolées. La salle de prière comprend un immense portail qui s’appuie aux deux minarets octogonaux et une pièce carrée couverte d’une coupole intérieure, elle-même surmontée d’une coupole extérieure posée sur un haut tambour circulaire s’appuyant, à son tour, sur un tambour octogonal. Le décor exubérant de l’édifice, fait de briques vernissées turquoise, bleu foncé, bleu clair et blanches ainsi que de carreaux de faïence et de plaques de marbre, se compose de motifs épigraphiques et floraux. L’ensemble, bâti à la hâte avec des matériaux peu solides, devait tomber en ruine peu après sa construction.Mausolée de G size=4r i-EmirAprès avoir franchi un grand portail richement décoré, œuvre d’un artiste d’Isfah n, on se trouve dans une cour carrée sur laquelle s’ouvraient autrefois à gauche la madrasa de Muhammad Sult n, un des plus anciens monuments de ce type en Asie centrale (fin XIVe s.), et à droite un couvent (kh naq h ). Aux angles occidentaux de la cour, il y avait deux minarets. En face du portail s’élève le mausolée de G r i-Emir. L’édifice est constitué à l’extérieur par une base octogonale sur laquelle s’élève un haut tambour circulaire couronné d’une haute coupole bulbeuse à soixante-quatre côtes. Cette coupole, couverte de dessins géométriques en briques vernissées carrées, domine les maisons environnantes. À l’intérieur du monument est aménagée une pièce carrée (10 m sur 10 m), avec quatre niches profondes à arcs décorés de stalactites. La coupole interne repose sur des trompes; les fenêtres étaient fermées par un double grillage à décor géométrique, celui de l’extérieur en albâtre et celui de l’intérieur en bois. Tim r avait donné ordre en 1404 de construire le mausolée pour son petit-fils et héritier Muhammad Sult n, mort l’année précédente. Plus tard, ce tombeau fut transformé en sépulture familiale des Tim rides et reçut le nom de G r i-Emir. Dans une crypte, sous la salle de prière, se trouve le cénotaphe en néphrite vert foncé de Tim r et ceux de plusieurs de ses descendants.Le Regist size=4nAu centre de la vieille ville se situe le Regist n, la place de Sable (début XVe-début XVIIe s.). Centre de la vie commerciale et de l’activité artisanale, il fut au XVe siècle un pôle de la vie religieuse.En 1420 est achevée la construction de la madrasa d’Ul gh beg, la plus grande (56 m sur 81 m) de celles qui furent élevées par le petit-fils de Tim r. Elle présente sur le côté occidental du Regist n un immense portail à arc dont la façade, flanquée de deux hauts minarets au fût cylindrique en briques, s’élevait à 35 m. Les surfaces planes de l’édifice sont tapissées d’un décor géométrique de mosaïques de carreaux de faïence et de briques vernissées. Sur la cour intérieure, de 30 m sur 50 m, s’ouvrent, de part et d’autre du portail principal, deux vastes salles; au milieu de chaque galerie latérale s’ouvre un portail. Au fond de la cour prenait place la salle de prière surmontée de deux coupoles d’angle et encadrée de deux minarets qui, comme les coupoles, les tambours et le premier étage des galeries, ont disparu depuis deux siècles. Au nord du Regist n, Ul gh beg fit construire un caravansérail. À l’est, après avoir fait détruire une madrasa élevée par Tum n Aga et un marché couvert, le souverain fit bâtir un couvent. Sur le côté de la place, un notable nommé Kukeldash fit élever vers 1430 une mosquée-cathédrale. Presque tous les édifices entourant le Regist n ont été reconstruits du temps d’Ul gh beg.Le XVIIe siècle fut une époque favorable aux constructions monumentales. À la place de deux édifices datant d’Ul gh beg, le gouverneur de Samarkand, Yalangtush beg, bâtit sur le Regist n la madrasa Sh 稜r Dor et la mosquée-madrasa Tilla K ri.Dans la partie orientale du Regist n, Yalangtush beg fit édifier entre 1619 et 1636 une madrasa monumentale, véritable jumelle de celle d’Ul gh beg, la madrasa Sh 稜r Dor. Elle reprend le plan de son modèle avec quelques variantes. Deux coupoles à grosses côtes reposant sur de hauts tambours cylindriques se trouvent derrière les deux minarets flanquant sa façade principale. Le portail a, comme son vis-à-vis, un très vaste iw n dont le tympan porte un décor insolite: dans chaque coin est représenté un lion de couleur orange poursuivant un cervidé blanc moucheté de gris, et, derrière, un disque blanc portant les traits d’un visage humain aux yeux en amande et auréolé de rayons figure le soleil.En 1646, le gouverneur ordonna au même architecte la construction de la mosquée-madrasa qui reçut le nom de Tilla K ri. L’édifice, qui bouche dès lors la face nord du Regist n, s’harmonise avec l’ensemble monumental de la place. La façade comporte une galerie à deux étages avec arcades; les loggias soulignent en quelque sorte la destination de l’édifice. Les minarets sont remplacés par des tourelles d’angle. Au centre de la façade s’ouvre un immense iw n à cinq pans percé de deux entrées latérales donnant accès à la cour intérieure.En ville, le seul vestige du XVIIIe siècle est le Tcharsu, édifice dodécagonal situé à l’angle nord-est de la madrasa Sh 稜r Dor. Cet édifice civil destiné à des activités commerciales comporte une vaste coupole centrale et six coupoles plus petites au-dessus des passages.Deux monuments remarquables soulignent les progrès réalisés dans la technique architecturale dans la seconde moitié du XVe siècle: le mausolée Ak Sarai, sépulture familiale, au sud-est de G r i-Emir, et le mausolée d’Ishrat Khané (1464), où sont inhumés certains membres de la dynastie t 稜m ride, situé à l’est de la ville.Près de ce lieu, en dehors des murs de la ville se trouve, au milieu d’un cimetière ombragé, le maz r Khodja Abd 稜-Dar n renfermant le mausolée bâti au XIIe siècle, sur la tombe d’un juriste arabe du IXe siècle. Sous le règne d’Ul gh beg, à la suite d’un remaniement, l’édifice fut transformé en kh nk h à coupole sur tambour et doté d’un large portail. Avec le temps cette construction se trouva entourée de sépultures familiales.Samarkandville d'Ouzbékistan, en Asie centrale; 371 000 hab.; ch.-l. de rég. Industr. alimentaires et textiles.— Monuments (XIVe-XVe s.).— Prise par Alexandre (329 av. J.-C.), par les Arabes (712), import. foyer culturel sous les Sâmânides (Xe s.), ravagée par Gengis khan (1220), la ville fut la capitale de Tamerlan et eut un vif rayonnement au XVe s.
Encyclopédie Universelle. 2012.